Critiques Express 2, le retour

OH. MY. GOD.
Moi, en état de mort cérébrale pendant le visionnage de « Wonder Woman ».

Me revoilà ! Les plus cyniques diront « Déjà ? », les autres « Enfin ! ». Et alors ? Qu’est-ce que ça fait ? Si je n’aime pas les protocoles, les idées fixes, les copier-coller. Hein. C’est que je voulais marquer le coup pour cette nouvelle année. « Qui a quand même commencé il y a presque quatre mois » notent ces mêmes mesquins. Une année 2018 qui a commencé comme toutes les autres avec ses cérémonies de remise de prix en cascade, qui continuera comme toutes les autres avec son lot de suites, reboots, remakes, préquelles et tout le toutim, et qui finira, comme toutes les autres, comme un excellent cru, avec ses surprises, ses merveilles et ses quelques figures connues ou non qui redonneront le goût du cinéma.

Alors pour poursuivre en beauté 2018, on va revenir sur l’année écoulée, que je n’ai pas beaucoup commentée. Et quoi de mieux pour ça que le retour en fanfare de votre bien-aimé Critiques Express, ce concept innovant grâce auquel vous pouvez lire en une minute chrono maximum une critique de film et ainsi briller en société devant vos amis snobes et pédants en parlant tout naturellement de films que vous n’avez même pas vus ?

Alors allons-y ! Revenons sur quelques-uns des films qui auront marqué, à leur façon, 2017.

3, 2, 1… Lisons !

La Belle et la Bête : Nouveau passage au cinéma « live » pour un grand classique de l’animation Disney… et nouvel exemple éloquent de production inutile. Le réalisateur Bill Condon reprend presque plan par plan, réplique par réplique et chanson par chanson le dessin animé original pour en faire un film… eh bien… déjà-vu, en fait. Du coup : aucune originalité, aucune nouveauté. Les acteurs ont beau faire ce qu’ils peuvent, le développement de leurs personnages est le même qu’il y a 20 ans. La seule différence ? La débauche d’effets visuels par ordinateur (dont la Bête, ni impressionnante, ni attachante) qui fait gagner en modernité ce qu’elle fait perdre en poésie et en imaginaire. Entre deux copies identiques, préférez le dessin animé (ou bien, allez carrément admirer la beauté de la version de Cocteau, définitivement indépassable malgré les moyens contemporains déroulés par Disney ou même récemment par Christophe Gans dans sa version très nulle du conte). Ce La Belle et la Bête est un exemple de film/remake/revisite sans intérêt. Quitte à revoir ses grands classiques et les grands contes désormais archi-connus, pourquoi ne pas les revisiter avec une vraie vision, en oubliant totalement les précédentes productions, plutôt que de recopier les dessins animés, déjà excellents ? La stratégie de Disney me laisse décidément de plus en plus perplexe.

The Circle : Emma Watson, déjà rôle-titre du film ci-dessus (et non, elle ne jouait pas la Bête), porte sur ses épaules ce film au postulat de départ intéressant et prometteur : une jeune active intègre la société technologique la plus en vue du monde, Le Cercle (sorte de mélange entre Apple, Facebook et Google), et va remettre ses opinions à plat après son implication et la découverte des zones d’ombre de la stratégie du groupe… Résolument moderne, le film apparaît sur le papier fascinant et, par les temps qui courent, essentiel (une réflexion sur les tout-puissants groupes informatiques est bienvenue). Le résultat est extrêmement décevant. Entre des histoires de complot, de piétinement de la vie privée, de secrets et de manipulations, The Circle se perd un peu et on ne comprend plus son propos. Ce qui aurait pu être un thriller technologique effrayant et implacable (l’influence du formidable The Social Network de Fincher est évidente, jusque dans la froideur de l’image, mais sans le talent de mise en scène) n’est qu’un film hésitant, mal fini et souvent incompréhensible dans son dénouement. L’une des démonstrations de ce dernier point se résume au simple personnage principal du film, campé par Emma Watson : comment peut-on comprendre cette fille qui ne remet jamais en doute l’efficacité et l’existence même de la technologie du Cercle (fondée sur le partage total des informations et données personnelles de ses membres) alors que celle-ci met explicitement en danger sa famille et ses amis ? Elle ne cesse même jamais d’en devenir le principal porte-parole ! Restent la présence du toujours parfait Tom Hanks en Steve Jobs revisité et quelques scènes bien senties (l’arrivée d’Emma Watson dans le Cercle et alpaguée par des clones impersonnels et souriants la forçant à s’intégrer dans la communauté et ne comprenant pas l’intérêt de vouloir voir des personnes de l’extérieur : une belle illustration des sectes virtuelles et l’aliénation de l’ambiance start-up).

Wonder Woman : Il faudra que quelqu’un m’explique un jour l’engouement critique et public que ce film a engendré. Parce qu’être soi-disant le premier film de superhéros à mettre au premier plan un personnage féminin (ce n’est absolument pas vrai, même si tous ces films étaient nuls mais ce n’est pas du tout le sujet) ne suffit pas à faire un bon film. Et effectivement, ça ne suffit clairement pas à faire un bon film. Wonder Woman était déjà introduite dans le regrettable Batman v Superman et en était le meilleur élément; la voici maintenant au cœur de son propre film, qui pompe bien comme il faut la portée historique du premier Captain America, déplacée à la guerre de 14-18. Tentons de résumer ce gloubi-boulga : refugiée sur leur terre invisible de tous, les Amazones sont confrontées pour la première fois aux Hommes (avec un grand et un petit H d’ailleurs) alors que la guerre fait rage. Diana, la plus rebêle et filoute (et jolie, bien entendu) d’entre elles part sur la terre des Hommes pour en finir avec le Mal, la méchanceté et les Hallemands et leurs bottes en cuir, arh. Le résultat est cliché (par exemple, le gentil qui est tombé amoureux de Diana et l’a dépucelée – oui oui – se sacrifie pour sauver le monde), bête (les méchants n’ont aucun relief et, comble du comble, lancent des rires diaboliques après avoir exposé leurs plans de méchants – sérieusement…) et pas très beau (le terrible climax est une insulte pour ce noble sens qu’est le vue). Gal Gadot, la star du film, était fulgurante dans Batman v Superman, mais pas pleinement convaincante ni vraiment crédible en personnage candide et naïf dans son film à elle (son côté lisse et son manque de charme son pourtant rapidement rattrapés par son magnifique sourire). La portée politique, pseudo-féministe et « mind-changing » de ce Wonder Woman est un pétard mouillé, puisqu’enveloppé dans un océan de bêtise, qui participe au nivellement par le bas du genre super-héroïque. Mais surtout : comment croire que ce film raté est l’œuvre de Patty Jenkins, auteur de l’incroyable chef-d’œuvre Monster ? En fait, la réussite féministe du film est de prouver que les personnages féminins aussi peuvent être au cœur de films de merde.

Au Revoir Là-Haut : Dans ce film, Albert Dupontel prouve – s’il y en avait encore besoin – qu’il est non seulement un super réalisateur du surréel et du cartoon live, mais aussi un véritable artiste, un auteur qui délivre sa vision sur le fond comme la forme. Au Revoir Là-Haut – Dupontel adaptant ici pour la première fois une histoire existante – est une petite merveille d’inventivité visuelle et d’émotion historique. Dans l’après-Première Guerre Mondiale, un ancien soldat se lie d’amitié avec une gueule cassée laissé pour mort, et va se lancer avec lui dans une grande escroquerie liée aux monuments de guerre. Sur fond d’histoires d’amour, de famille, de joies et de peines, l’histoire dans l’Histoire passionne, l’évolution des personnages fascine et l’interprétation, exemplaire, est une perfection. Dupontel, également personnage principal, émeut par sa bonhommie, Mélanie Thierry séduit par sa lumière, Niels Arestrup étonne par sa sensibilité inédite, Laurent Laffite confirme qu’il est l’un des plus grands acteurs français vivants, et Nahuel Pérez Biscayart… Quelle révélation. Sans dire un seul mot de tout le film, l’ensemble de son jeu et de son personnage de défiguré et d’écorché passe par ses yeux et ses grognements. Aidé par des décors, des effets spéciaux et des costumes proprement magnifiques, il est hypnotisant du début à la fin. Le film a l’allure et la forme d’un rêve : irréel, magique, poétique – on a envie qu’il ne s’arrête jamais.

Tout l’Argent du Monde : Ridley Scott a beau avoir 80 ans, il enchaîne les films de tous les genres avec l’énergie d’un jeune homme. Et sans perdre son talent. Ceux qui suivent ce blog connaissent mon appétence pour son cinéma et ma fascination pour sa capacité à créer des esthétiques et plastiques époustouflantes de splendeur. Après son pas bon Alien : Covenant, le revoilà avec ce film plus simple et terre-à-terre, narrant l’histoire incroyable mais vraie de l’enlèvement et de la libération du petit-fils du magnat du pétrole (et alors homme le plus riche de l’Histoire) J. Paul Getty. Passons outre le scandale qui a entouré le film avant sa sortie (mais je ne doute pas qu’un montage alternatif du film sera bientôt disponible sous le manteau) : c’est épatant. Certes, Scott est bien servi par un sujet palpitant, mais en mettant l’accent sur les personnages (les événements sont vus des points de vue du ravisseur, de la mère et du grand-père), il explore avec brio les personnalités de chacun et construit son récit comme un vrai feuilleton, allant de rebondissement en rebondissement, de surprise en surprise. On a beau savoir comment tout se termine, on suit avec passion les twists rocambolesques de ce duel entre le combat d’une mère qui n’a rien et qui subit, et l’inaction d’un grand-père qui a tout mais ne ressent rien. C’est ce dernier, interprété par Christopher Plummer, qui fascine tout particulièrement le réalisateur : les meilleures scènes sont celles qui suivent l’évolution de Getty Sr., ce modèle capitaliste adorant l’argent – et ne supportant pas de perdre le moindre centime. Le tout enrobé dans la toujours sublime mis en image de Scott. Excellent.

Star Wars Episode VIII – Les Derniers Jedi : Ce film aurait pu faire l’objet d’un article complet, j’en convient. Surtout qu’il y a beaucoup à dire – beau défi pour l’Halluciné que de tenter de résumer cela en quelques lignes. Le précédent film était un beau retour aux sources, mais surtout une introduction qui ouvrait grand la porte à une histoire en plein développement ; la suite est… arh, comment dire ?… j’hésite entre : une promesse gâchée ou un léger foutage de gueule. Succédant au fanboy J.J. Abrams, Rian Johnson poursuit l’histoire en faisant finalement fi de tout ce qui a existé avant lui. On peut lui reconnaître un mérite : vouloir prendre des risques dans une saga intouchable. Mais en prenant trop de risques, on fait n’importe quoi. Johnson sabote tout : le personnage de Rey (vraie réussite du 7) est inexistant, la scène finale du précédent épisode (clairement la séquence la plus forte émotionnellement de toute la saga) se termine lamentablement, les anciens personnages ne sont pas développés (voire tués dans l’indifférence !), les nouveaux sont ridicules (Rose en tête, est stupéfiante de niaiserie)… Et que dire de Luke, devenu un clodo désespéré, déterminé à détruire l’héritage Jedi ! Mais alors… ne serait-il pas une projection du réalisateur, dont le but de destruction est exactement le même ? C’est très étrange. Le scénariste-réalisateur a, de plus, un sens très particulier du rythme (ou devrait-on dans ce cas-là dire « non-rythme » ?) : il se passe beaucoup de choses, sur plein de nouvelles planètes (la planète-casino est une aberration, un contre-sens), et pourtant, il n’en ressort rien – peu de développement, l’histoire n’avance pas… Hormis quelques séquences bien senties (le combat Finn/Phasma, l’attaque de vaisseau en hyper-espace), ponctuées par d’autres très gênantes (Leia super-héroïne, Kylo Ren torse nu), Johnson a l’idée très intelligente de rajouter à son insulte filmique un bon gros humour nul qu’il balance à tout bout de champ pour foutre en l’air toutes les scènes qui auraient pu être un minimum épiques. Hallucinant. J.J. Abrams doit rempiler pour l’épisode 9 – il a intérêt à relever le niveau et faire revenir Star Wars dans le droit chemin.

Three Billboards, les Panneaux de la Vengeance : Cette histoire d’Amérique profonde est passionnante, et le film brillant. C’est le combat d’une mère contre toute une ville pour faire avancer l’enquête sur le viol et la mort de sa fille (ah bah ouais, on n’est clairement pas dans une comédie de Kev Adams). Sa solution ? Se faire remarquer en louant trois panneaux publicitaires qui interrogent directement le chef de la police locale. L’expression-même de son désespoir, autour de laquelle gravite toute une batterie de personnages incroyablement écrits (chacun a un profond développement personnel entre le début et la fin du film – c’est tellement rare que ça doit être souligné) et superbement interprété (une belle brochette de comédiens confirmés : Frances McDormand, Woody Harrelson, et l’étonnant Sam Rockwell, notamment). Pas complètement une comédie noire à la Coen, pas totalement un drame tragique, Three Billboards est beaucoup à la fois, entre émotion pure et violence dure, tout ce que demande et ce qui définit, en somme, une histoire comme celle-ci. On s’attache sans difficulté à l’ensemble de ces personnages, avec leurs complexités, leurs coups de folie, leurs coups de sang, tous impactés par la lutte de cette mère qui ne baissera jamais les bras face à une ville aux pieds du charismatique chef de la police. C’est palpitant, éprouvant, formidable, énervant, subtil… L’Amérique et son cinéma sont définitivement fascinants.

Blade Runner 2049 : Ma fascination pour l’œuvre originale de Ridley Scott n’est plus à démontrer ; la sortie d’une suite m’a d’abord révolté puis interrogé lorsque le canadien Denis Villeneuve (auteur des très intéressants Prisoners et Premier Contact, notamment) a rejoint le projet. Ce dernier y a apporté son histoire, celle du Blade Runner K, lui-même replicant, chargé d’enquêter 30 après la disparation de Rick Deckard sur l’étrange découverte du corps d’une replicant, morte lors de son accouchement : les robots auraient donc évolué pour pouvoir se reproduire ! Aux interrogations sur la frontière entre humain et robot dans le film de 1982, cette suite serait donc plutôt une réflexion sur l’évolution et l’existence (essentiellement par le personnage de l’agent K, lui-même ne sachant pas d’où il vient, et dont la recherche personnelle est au cœur du film). Villeneuve offre, sur la forme, un superbe hommage (voire une ode) au chef-d’œuvre original : le rythme y est lent et contemplatif, les paysages technologiques et steampunk sont, au néon et à la brume près, identiques (le film est, en ce sens, une splendeur et un régal pour les yeux), et la musique est un copié-collé de la partition métallique et onirique de Vangelis (avec, malheureusement, la lourdeur agressive de l’omniprésent… Hans Zimmer, toujours lui). Esthétiquement, le film est un vrai travail d’artiste. Sur le fond, l’hommage ne prend pas le dessus, et c’est plaisant, au déroulé du film : l’histoire est bien nouvelle, les ajouts sur la mythologie sont là (chacun, sur Terre, peut avoir son hologramme à tout faire). L’ombre de l’illustre aîné plane néanmoins, et il est impossible de ne pas y penser ou de regretter. Un peu (trop) long, ce Blade Runner 2049 n’est par ailleurs pas hyper bien servi par son casting très froid (hormis l’énigmatique Jared Leto, Ryan Gosling est, comme à son habitude, inexpressif et Harrison Ford continue, à 165 balais, de reprendre tous ses rôles iconiques de jeunesse après Indiana Jones et Han Solo) et ne passe pas le test de la comparaison, remporté par KO par le premier volet (qui, se dit-on, aurait donc pu rester le seul). Reste que ce moment de pure beauté est une grande bouffée d’air frais dans une industrie souvent trop formatée.

Dunkerque : Le film de guerre du surcoté Christopher Nolan a été unanimement salué (oh surprise !), comme à chaque fois qu’il sort un nouveau truc. Je vais devoir encore une fois aller contre l’avis général car je n’ai pas trop aimé (allez-y, huez-moi, vous qui suivez la masse et forgez votre avis sur celui du groupe). Après le film de super-héros dénaturé et le film de science-fiction pseudo-ultra-intellectualisé (alors qu’il était complètement con), Nolan décide maintenant de filmer l’opération Dynamo et l’évacuation de Dunkerque (« Dunkirk » en Américain, ça a tout de suite plus de gueule) des troupes anglaises bloquées sur les plages des belles côtes du Nord. Passons outre les grandes libertés historiques (la véracité n’est clairement pas ce que je recherche principalement dans un film, tant qu’il est bon, à l’image d’Amadeus par exemple ou, plus proche, d’Il Faut Sauver le Soldat Ryan), Dunkerque est une belle expérience essentiellement sonore de cinéma d’immersion : on y suit l’un des soldats anglais qui cherche à fuir le champ de bataille, où tous semblent condamnés. Pourtant, les gros partis pris du film sont fort gênants. Le premier, et non des moindres, concerne le cadre spatio-temporel de narration : on suit la bataille sur la terre (la plage), la mer (un bateau) et les airs (un aviateur) ; or, tous ces points de vue ne se déroulent pas sur les mêmes temps et chronologies. C’est largement incompréhensible quand on veut suivre le peu d’histoire racontée (et tout ça n’est pas aidé par le montage qui ne facilite rien). Le second parti pris de Nolan est très surprenant : comme tout est montré du point de vue d’un pauvre anglais, le réalisateur a choisi de ne jamais montrer l’ennemi (l’incontournable Allemand). Pendant deux heures, les troupes font donc face à des méchants invisibles (ou ninjas ?) qui tirent et tuent depuis nulle part. La scène d’ouverture du film, par exemple, m’a fait directement penser à cette séquence d’OSS 117 numéro 2, quand Dujardin est visé à Rio par des centaines de balles à l’origine invisible. A mourir de rire dans la comédie, ça devient très gênant dans le film de guerre. Et ce n’est d’ailleurs pas le seul moment de malaise dans Dunkerque, puisque cette scène est directement suivie, « afin de coller au plus près de la réalité et de l’horreur de la guerre » j’imagine, par une séquence de… caca sur la plage. Sans blague. De quoi vous ruiner les 90% du film qui suivent. Tout ça pour montrer que les choix du réalisateur sont loin de relever du génie d’autant que, en misant tout sur le spectacle, Nolan met de côté le plus important : l’émotion, la dramaturgie et l’engagement du spectateur. Et on ne s’attache par ailleurs à aucun personnage, dont on se fout royalement s’il va mourir ou non à la fin. A noter tout de même : la présence de Tom Hardy, qui est bien le seul argument de visionnage du film.

Tunnel : Ce film catastrophe sud-coréen narrant les tribulations et la survie d’un homme qui, rentrant tranquillement chez lui en voiture, se retrouve coincé dans un tunnel enseveli est une vraie pépite. Dans un style très américain (rythme parfaitement maîtrisé, rebondissements à foison, ascenseur émotionnel), le réalisateur nous tient en haleine pendant ces deux heures qui paraissent interminables. Contrairement à l’angoissant Buried par exemple, où l’ensemble du film ne se déroule que du point de vue du pauvre protagoniste, Tunnel se voit plutôt comme un Seul sur Mars sous-terrain : le film alterne les séquences de survie du Corréen sous les gravats et celles à la surface pour suivre l’organisation – ou la désorganisation – des secours qui tentent de trouver la bonne solution de sauvetage. Entre ceux qui l’aident et ceux qui perdent espoir, entre les opérations réussies et les ratages, tout est représenté dans le film, et chaque spectateur peut se faire son propre avis sur cette épineuse question, sans jamais se faire juger : la survie d’un seul homme vaut-elle le coup des moyens déployés ? A cela s’ajoute une vraie réflexion sur le rôle des médias, souvent affichés ici comme des vautours en quête de scoop, peu importe l’éthique. Un film intelligent, haletant, qui prend au corps et qui fait réfléchir, ce n’est pas souvent. Et en plus, le jeu outrancier et sur-expressif des Coréens est vraiment amusant et toujours attachant – seule Ba Doona, qui joue la femme du protagoniste, est saisissante de naturel et d’émotion, tout en nuance.

La Forme de l’Eau : Un bon gagnant des Oscars (au coeur d’une belle sélection) dont je me suis plutôt réjoui, moi le vieux réactionnaire qui vénère le Hollywood passé. Tout comme la cérémonie 2017 avait sacré le faux (ou le vrai ?) gagnant La La Land, qui remettait au goût du jour le film musical et coloré, l’édition 2018 célébrait La Forme de L’Eau, film de monstre old school. Et quelle victoire pour le cinéma fantastique et de science-fiction en général ! Pour en revenir à l’œuvre-même, Guillermo Del Toro (capable du meilleur – Le Labyrinthe de Pan – comme du pire – Pacific Rim) nous invite à suivre les aventures d’Elisa, muette et femme de ménage dans un laboratoire aux activités floues, qui va s’éprendre d’une créature sous-marine retenue captive des scientifiques et militaires. En plaçant son film dans les années 60, Del Toro offre à son histoire un sous-texte social intéressant en ne présentant pas la créature comme le seul être incompris et rejeté – le « monstre » (jamais montré comme tel) n’est d’ailleurs pas tant présent que ça à l’image –, mais aussi ses personnages principaux humains, les mis au ban de la société (une muette, une noire et un homosexuel), face au poncif 60’s de l’Américain viril et respecté, joué par un Micheal Shannon toujours cabotin lorsqu’il joue les méchants. Mais ce n’est pas le propos premier du film, ne le cachons pas : dans une ambiance au croisement de Burton, Jeunet et Gilliam, le réalisateur met avant tout devant nos yeux son imaginaire, dans ce qui se définit, du début à la fin, comme un véritable conte. Pas toujours avec une grande maîtrise, mais souvent avec une belle poésie, Del Toro nous offre quelques jolies séquences (la salle de bain noyée en tête), loin des standards ultra-digitalisés de ses contemporains (le « monstre », en vrai costume, est une splendeur, bien au-dessus de ce que les ordinateurs pourront créer). Je regrette cependant les passages trop explicites (et globalement inutiles) en sexualité et en violence, qui, malgré le déroulé très simpliste (ce n’est pas un reproche, loin de là) du film, mettront à l’écart un public enfantin qui aurait pourtant fort apprécié être émerveillé par ce film, s’il avait été plus familial. Un bon film donc, malgré un manque de beauté plastique et de vision qui en aurait, à tous les coups, fait une oeuvre intemporelle et transgénérationnelle.

Cinquante Nuances Plus Sombres : Non, je plaisante bien entendu. J’ai déjà saigné du cerveau et des yeux en regardant le premier, j’ai un minimum d’amour propre (et d’amour pour le cinéma et le bon sens) pour ne pas m’infliger cela.

Sommairement,

L’Halluciné

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