Star Wars IX : Voilà, c’est fini

C3P-oh
– Hey Rey, il faut vraiment que je te dise quelque chose que je ne t’ai jamais dit : tu es Rey-onnante. – Ta gueule, Finn. Je sortirai jamais avec toi.

Et voilà. Comme en 1983 et en 2005, une nouvelle trilogie Star Wars prend fin. En 1983, Le Retour du Jedi fermait la trilogie originale sur une note un peu basse (quelques scènes, personnages et idées mémorables, mais globalement loin du chef d’œuvre total que reste L’Empire Contre-Attaque). En 2005, l’épique La Revanche des Sith donnait enfin du panache à une prélogie très compliquée (et très laide visuellement) pour un final en apothéose. En 2019, qu’en est-il de L’Ascension de Skywalker, dernier pilier d’une trilogie au départ pas nécessaire et qui aura fait couler beaucoup d’encre et animer des débats passionnés dans le monde entier ?

Il faut quand même savoir que ces trois trilogies (une « trilogotrilogie » ?) sont également trois générations, trois époques, et que chacune d’elle n’a jamais fait l’unanimité : nombreux étaient ceux qui trouvaient stupides La Guerre des Etoiles à sa sortie, puis nombreux furent les enfants élevés à la saga qui n’ont pas reconnu « leur » Star Wars à la vue de La Menace Fantôme des années après le sixième épisode, et enfin nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, hurlent au scandale à chaque nouveau film, scandale amplifié par la gangrène que sont les « réseaux sociaux ». Finalement, depuis que Lucas a revendu son bébé au mastodonte Disney, le monde et les « fans » pensent que, par la même occasion, il leur a revendu la saga à eux aussi, eux qui parlent de « leur » Star Wars, de ce qu’est la saga, de ce qui est bon et correct à faire avec elle. On ne peut leur donner tort : une fois diffusée, une œuvre n’appartient plus à son créateur, mais elle existe par ceux qui la voient. C’est d’autant plus vrai pour Star Wars, qui est tout simplement la plus grande saga cinématographique de l’histoire et le phénomène le plus important de la pop culture mondiale. Elle a engendré un culte (une religion, voire un fanatisme ?) absolument dément à travers le monde et à travers les générations qui fait qu’aujourd’hui, Star Wars n’est pas que des films, mais une culture universelle, qui appartient à tout le monde. Et chacun a son opinion sur ce qu’est et devrait être la saga, peu importe ce qu’en pense son créateur.

JJ Abrams et Rian Johnson en ont fait les frais ces dernières années. Le premier en 2015, quand il fut choisi pour faire revivre la saga et mettre en chantier un épisode 7 (pas demandé ni nécessaire, mais du coup attendu avec impatience dès son annonce). Ses premiers choix lui ont permis de se mettre les fanatiques (et les investisseurs) dans la poche : il fait revenir les acteurs originaux (mais pas ceux de la prélogie), engage à ses côtés la légende Lawrence Kasdan (scénariste de L’Empire Contre-Attaque et du Retour du Jedi) et organise le passage de relais avec une nouvelle génération de personnages. Le résultat est formidable : cet épisode d’introduction intitulé Le Réveil de la Force mêle habilement le vieux (histoire simple, effets spéciaux « en dur » et pas de festival CGI, musique merveilleuse du dieu John Williams) au neuf (nouveaux personnages charismatiques, modernité de la mise en scène) et mise sur l’émotion en acceptant à 100% l’héritage Star Wars. Tout est en place pour réussir une nouvelle trilogie sur des bonnes bases (la meilleur d’entre elle étant Rey, figure très intéressante), jusqu’à la séquence finale, sans nul doute la meilleure des neuf films, qui ré-impose enfin Luke Skywalker – dont l’ombre plane sur tout le film – comme LE héros ultime de la saga. Un tour de force, et un pur plaisir de cinéphile et de fan.

Et là c’est le drame. Précédé d’une attente encore plus forte après la réussite de l’épisode VII, un autre réalisateur (pour reproduire la tradition originale : un film, un réal) arrive avec ses grands sabots et fout tout en l’air. Son nom : Rian Johnson. Son crime : casser le travail d’Abrams pour n’en faire qu’à sa tête. JJ avait installé la nouvelle trilogie (nommons-la « postlogie » ce sera plus simple) sur des bases connues et respectueuses de l’essence de Star Wars en les dépoussiérant ? Eh bien le petit Rian va faire exactement le contraire : tordre le cou à l’héritage, détruire le travail de ce bon vieux JJ et modifier le sens de l’histoire globale pour mieux y insérer ses idées. Décimer pour mieux créer. Les deux façons de faire, celle de JJ et celle de Rian, se valent, et dans l’absolu les deux peuvent fonctionner (Abrams et Johnson sont des artistes et le seul but de leurs films doit être de laisser libre cours à leur imagination). Mais en l’occurrence, Les Derniers Jedi est trop provocant, trop tranchant : tout en haut de la pile, le traitement de Luke, magnifique à la fin du VII, écrabouillé dans les premières secondes du VIII, transformant le héros en un vieillard désabusé et ayant perdu toute confiance en la Force (un contre-sens par rapport à ce que la saga avait installé jusque-là). Les images sont belles, les idées sont là, mais tout sonne creux et frise parfois le ridicule. L’émotion n’est plus là, les personnages introduits dans Le Réveil de la Force (Rey en tête) n’avancent pas, la planète casino est une aberration… En allant à contre-courant de ce que les fans attendaient, Johnson s’est attiré les foudres des spectateurs, qui ne veulent pas être surpris mais confirmés. Au-delà de ça, Les Derniers Jedi est un pilier central très discutable dans une optique de trilogie : au bout de 2h30 de film, l’histoire n’a pas bougé d’un pouce. Tout ça pour ça ? On est loin de L’Empire Contre-Attaque. Un rebond est nécessaire afin de donner enfin à cette postlogie ses lettres de noblesse et, surtout, sa raison d’être dans l’univers créé par George Lucas.

Appelé à la rescousse, JJ Abrams est de retour. L’homme qui a ressuscité la saga et commencé la postlogie revient. Pour rassurer les fans ? Pour avouer en catimini l’erreur d’avoir confié les rênes du VIII à un enfant gâté ? Pour installer enfin une continuité et une ligne directrice dans l’histoire ? Peut-être pour tout ça à la fois ! Le fait est que c’est sûrement le dernier point qui semble l’emporter. En regardant le VII et le IX, on a une forte impression de temps perdu : en commençant l’écriture du Réveil de la Force, il est possible que JJ ait eu une idée globale de la suite de la postlogie en terme narratif, mais cette idée a pu être mise à mal par un épisode VIII qui a rebattu les cartes. D’où une sensation de rapidité et de précipitation dans cet épisode IX. J’entrerai plus tard dans les détails, et il est important de savoir que la suite de cet article va spoiler sévère. Donc sauf si vous êtes totalement allergique à l’idée-même de surprise, ou bien si vous détestez regarder un film sans rien en connaître à l’avance (pauvre de vous), je ne vous conseille pas de lire ce qui suit avant d’avoir vu L’Ascension de Skywalker.

Voilà.

C’est bon ?

Les intéressés sont partis ?

Si vous lisez ceci c’est que vous avez vu le film.

Je peux donc sans problème écrire ci-après la principale révélation de dernier épisode.

Rey est la nièce au troisième degré de Jabba le Hutt.

HA HA ! Je vous ai bien tout gâché, là, hein !

C’est bon, je crois que les lecteurs qui n’ont pas vu le film sont partis en courant.

Je devais employer les grands moyens pour être sûr.

Nous sommes désormais entre personnes civilisées. Ça fait du bien.

Pour rappel donc, on retrouve pour cet épisode IX notre nouvelle bande composée de Rey, Finn et Poe (l’intérêt pour les personnages ayant bien baissé suite aux Derniers Jedi), toujours décidée à ramener la paix sur la galaxie lointaine, très lointaine avec l’aide de la Rébellion incarnée par Leia, toujours vivante, face au terrible Premier Ordre incarné par son propre fils Kylo Ren. Oui bah oui, l’histoire n’avance pas beaucoup, on en est toujours au même point depuis la fin du Réveil de la Force ! A part que Snoke, présenté comme le grand méchant de la postlogie, a été buté et que Luke a clamsé, sans trop qu’on ne sache trop comment ni pourquoi, pour l’un comme pour l’autre. Bref, c’est comme ça.

Il faut savoir que cet épisode IX est conçu comme le dernier de l’arc narratif autour de la famille Skywalker (développé donc sur neuf films au total) et qu’il doit offrir une fin satisfaisante à la postlogie mais aussi une conclusion forte à 42 ans d’univers. La mission est ardue. En nommant son film L’Ascension de Skywalker, on sait d’ores et déjà que ça va bien se terminer et que le blason des Skywalker sera redoré soit par Kylo Ren qui basculera à nouveau du côté clair de la Force, soit par Rey qui se révélera être de sang Skywalker. Finalement, ce sera un peu les deux à la fois !

L’idée principale d’Abrams pour ce dernier épisode est de réintroduire un personnage laissé pour mort, l’Empereur lui-même, alias Palpatine, alias Dark Sidious, alias Tronche de Cake. Une facilité scénaristique ? Peut-être. Le fait est que le personnage, plus effrayant que jamais dans les dernières minutes du film, est alors intronisé comme l’antagoniste suprême de Star Wars, celui dont l’ombre aura plané sur toute la saga, de La Menace Fantôme jusqu’à L’Ascension de Skywalker. La présence de Palpatine (toujours interprété par Ian McDarmid et sa voix si reconnaissable) ajoute de l’unité à la saga : en somme, Star Wars n’aura été que l’histoire des gentils Skywalker tentant de lutter contre la menace multi-dimensionnelle personnifiée par Palpatine. Le retour de ce dernier est à la fois inattendu (au vu des épisodes VII et VIII) mais en même temps logique : il est celui qui, de tout temps, aura fait douter Anakin, Luke et maintenant Ben/Kylo. De plus, lier par le sang ce retour à Rey (qui est, pour ceux qui ne l’auraient pas compris, la petite-fillotte du vieil Empereur) installe encore plus l’importance de la famille en sous-texte de toute la saga : les Palpatine, fondamentalement mauvais mais retournés vers la lumière, en reflet des Skywalkers, fondamentalement bons mais au parcours plus chaotique. C’est la belle idée du film, qui confirme la connaissance de l’esprit de la saga par le réalisateur Abrams et qui résout également le mystère des origines de Rey, le plus beau personnage de la postlogie.

La présence de Palpatine apparaît néanmoins comme un ressort scénaristique tombé du ciel, comme un cheveu sur la soupe, par l’opération du Saint-Esprit, comme un chien dans un jeu de quilles – on va arrêter là, je suis à court d’expression. Et c’est bien le problème essentiel de cet épisode : il est trop dense. Cela lui donne une formidable qualité : on ne s’ennuie pas une seconde devant ce chef-d’œuvre de divertissement, qui part à 300 à l’heure dès la fin du traditionnel générique d’ouverture. Mais ça ne laisse aucun répit ni au spectateur de prendre le temps de comprendre et de réfléchir, ni aux personnages du film d’expliquer et de souffler. La beauté de la trilogie originale était là : les moments de bravoure et les scènes épiques laissaient toujours place aux scènes plus intimistes, plus contemplatives. C’est également ce temps laissé au développement des personnages qui a permis l’émotion et l’attachement aux personnages lors du Réveil de la Force. Si ce sont le second degré et le manque flagrant d’humanité qui ont pêché dans Les Derniers Jedi, le propos de L’Ascension de Skywalker est limité par un scénario et un rythme sans temps mort, presque épuisant. C’est hyper jouissif et, pour le coup, l’histoire avance enfin, mais ça va si vite qu’il n’est laissé aucun temps à la digestion des événements et twists qui s’enchaînent sans attendre (l’apparition de Palpatine, la révélation de la filiation de Rey, la mort de Leia, le retour de Luke en fantôme de la Force…). Le film aurait gagné à laisser de côté deux ou trois planètes et deux ou trois nouveaux personnages afin de gagner en émotion (l’un des maîtres-mots de la trilogie originale). La Revanche des Sith avait également ce défaut.

Tout ça pour dire que L’Ascension de Skywalker aurait clairement pu – et aurait dû ? – tenir en deux films. D’où cette sensation de temps perdu par le pilier central qu’était l’épisode VIII, d’autant plus qu’il a renié l’épisode VII et qu’il est lui-même renié par l’épisode IX (de mon avis personnel, c’est très bien, merci JJ) ! Abrams contredit les choix de Rian Johnson à plusieurs reprises et reprend le contrôle de la postlogie. Qu’aurait donné cette dernière si l’épisode VIII avait été L’Ascension de Skywalker partie 1 et l’épisode IX la partie 2 ? Elle aurait sûrement eu ses détracteurs de toute façon, mais la trilogie aurait très certainement gagné en lisibilité, en développement et en unité. Et j’en aurais été un fervent défenseur.

Ce qui n’aide pas non plus L’Ascension de Skywalker, c’est la tendance qu’a eu Abrams de bourrer son film (déjà bien plein) de références et de fan-service à outrance. La peur de ne pas plaire et la volonté de rassembler les fans hardcore derrière lui ? Très probablement. La nécessité d’inclure les Ewoks pour un seul plan, Lando Calrissian pour quelques secondes de réplique ou une partie d’échecs intergalactique dans le Faucon Millenium parait, tout compte fait, discutable. D’autant que ces minutes auraient permis d’inclure et de développer des nouveaux personnages fort intéressants – en premier lieu Zorii Bliss, incarnée par Keri Russell, à l’armure ultra-classe et purement starwarsienne – ou bien d’approfondir certains éléments scénaristiques, le script global étant un peu trop fondé sur le « deus ex machina ». L’intention se comprend, et Abrams le montrait déjà dans son précédent Star Wars : démontrer son respect de l’héritage et accorder aux spectateurs des moments de nostalgie. Certains éléments font plaisir à voir : par exemple le retour du X-Wing de Luke dans un passage de relai à Rey, ou l’importance prise par le personnage de C3PO, jamais aussi touchant et drôle que dans cet épisode ; mais d’autres éléments ne sont pas toujours justifiés dans le cadre du récit malheureusement…

Il n’empêche que L’Ascension de Skywalker livre son lot de séquences jouissives et parfois proches du sublime. En vrac : l’entraînement Jedi de Leia par Luke dans une scène en flashback, le combat au sabre-laser de Rey et Kylo sur l’épave de L’Etoile de la Mort (enfin un beau duel dans la postlogie !), les voix et esprits des Jedis passés soutenant Rey lors de sa confrontation avec son papy, la bascule de Ben vers le bon côté de la Force (Adam Driver confirme qu’il est un super acteur)… L’Ascension de Skywalker n’est pas le plus « culte » des Star Wars, il n’est pas le plus beau, ni le plus équilibré, ni le mieux mis en scène mais il est quand même un beau tour de Force (lol vous avez compris ? Rapport à la Force. Excellent) d’Abrams de remettre sur pied une trilogie et une saga un peu malmenée. En recentrant le récit sur l’humain (la rédemption et le sacrifice final de Kylo Ren, le choix par Rey de son nom adoptif et de son destin) et sur la lignée Skywalker qui finit comme elle a commencée – dans le côté clair de la Force et dans l’espoir (un autre mot essentiel de la saga) – cet épisode IX offre une conclusion satisfaisante de plus de 40 ans d’un univers fantastique et époustouflant.

Star Wars perdurera pendant encore des générations dans les livres ou à la télé, mais bon sang, que c’était bon au cinéma.

Intergalactiquement,

L’Halluciné

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